vendredi 16 janvier 2009

dissident

Passé un certain âge, il semble impossible d’éprouver encore la durée – celle dans laquelle s’inscrivaient par exemple les vacances de l’enfance –, le temps perd sa densité, c’est un temps toujours court-circuité où nous ne nous sentons pas vivre – le début et la fin sont les deux pointes du même éclair. Passé un certain âge, nous ne faisons plus que l’expérience de la mort.
e. chevillard


Au fil des heures, des jours, des semaines, des saisons, tu te déprends de tout, tu te détaches de tout. Tu découvres, avec presque, parfois, une sorte d'ivresse, que tu es libre, que rien ne te pèse, ne te plaît ni ne te déplaît. Tu trouves, dans cette vie sans usure et sans autre frémissement que ces instants suspendus que te procurent les cartes ou certains bruits, certains spectacles que tu te donnes, un bonheur presque parfait, fascinant, parfois gonflé d'émotions nouvelles. Tu connais un repos total, tu es, à chaque instant, épargné, protégé. Tu vis dans une bienheureuse parenthèse, dans un vide plein de promesses et dont tu n'attends rien. Tu es invisible, limpide, transparent. Tu n'existes plus : suite des heures, suite des jours, le passage des saisons, l'écoulement du temps, tu survis, sans gaieté et sans tristesse, sans avenir et sans passé, comme ça, simplement, évidemment, comme une goutte d'eau qui perle au robinet d'un poste d'eau sur un palier, comme six chaussettes trempées dans une bassine de matière plastique rose, comme une mouche ou comme une huître, comme une vache, comme un escargot, comme un enfant.
G.Perec


 Le fond de ma pensée est que dans ce monde en chute toute joie éclate dans l'ordre naturel et toute douleur dans l'ordre divin
 Et le reste est épouvantable. La sottise infinie de tout le monde à peu près sans exceptions; l’absence, qui ne s’était jamais vue, de toute supériorité; l’avilissement inouï de la grande France d’autrefois implorant aujourd’hui le secours des peuples étonnés de ne plus trembler devant elle; et la surnaturelle infamie des usuriers du carnage, multitude innombrable de profiteurs grands et petits, administrateurs superbes ou mercantis du plus bas étage, qui se soûlent du sang des immolés et s’engraissent du désespoir des orphelins. Il faut être arrivé, après tant de générations, sur ce seuil de l’Apocalypse et être ainsi devenu spectateur d’une abomination universelle que ne connurent pas les siècles les plus noirs pour sentir l’impossibilité absolue de toute espérance humaine


Dans les ténèbres . Léon Bloy







Cette île de bruits et de gesticulations que font les hommes sur la nature impassible et lente, jusqu'à qu'elle se resserve et les dévore dans le plus grand calme. 

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